Moi, à l’âge de 7 ans.
« Garen, c’est vrai que tu vas partir ? Tu… Tu vas me laisser toute seule ?
- Papa a dit que c’était un privilège de servir le roi. Plus tard, je serais quelqu’un de fort, et je serais là pour te protéger, t’en fais pas ! »
J’étais en train de tendre ma main vers toi, et tu es parti sans même te retourner…

… Menteur.

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« Pfff, qu’est-ce que je m’ennuie sans Garen… »

Là, c’était moi à l’âge de 10 ans. Assise sur une chaise, à arborer un sourire de gentille fille. Encore une des nombreuses fêtes mondaines à laquelle j’étais obligée de participer. Maintenant que j’y repense, qu’est-ce que j’étais idiote.

« Oh, Luxanna a tellement grandi ! Mais qu’est-ce qu’elle est sage ! »

Oui, sage. Tant que je restais assise à ne rien faire et à me tenir tranquille, je pouvais avoir tout ce que je voulais. Quelle chance j’avais de naître sous une maison aussi noble ! Après tout, « Crownguard », je devais vraiment être née sous une bonne étoile !
Même à cet âge, je me rendais compte à quel point mes soi-disant « amis » me paraissaient presque… fades.

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« Ça… Ça remarche ! »

12 ans, à l’école privée où j’étais inscrite. Mes pouvoirs s’étaient une nouvelle fois manifestés : j’étais invisible ! Il fallait vite que je rentre à la maison montrer ça à Papa et Maman ! Je suis sûre qu’ils seront fiers de moi !

La fierté, oui.

Je finis par arriver chez moi. Génial : mes parents étaient dans la cuisine ! J’étais sur le point de les appeler, quand je m’aperçus qu’ils n’étaient pas seuls. Trois officiers militaires ? Ça devait être important… Mieux vaut que je m’en aille.

« Il n’y a pas de plus grand honneur pour notre famille que de vous confier Luxanna. Elle vous servira comme Garen avant elle. »

Quoi ?
Par peur de me faire découvrir sûrement, je m’étais cachée derrière le mur de la cuisine, avant d’écouter attentivement.

« Êtes-vous sûre, Lilia ? À son âge, votre fille a encore besoin de ses parents, surtout maintenant qu’elle n’a plus son grand frère. »

Mon père, incisif, décida de mettre un terme cette conversation.

« Nous le faisons au nom du roi. C’est vous qui allez devenir ses nouveaux parents. »

A ce moment là, je ne savais  plus ce qu’il se passait dans ma tête. Il y avait trop de choses sur lesquelles réfléchir pour penser de manière rationnelle. Mon passé ? Mon futur ? Mon présent ?

« Très bien. Alors c’est décidé. »

Avant que cette invisibilité provisoire ne disparaisse, je courus me réfugier à l’école. Et pleurer. Pleurer presque toutes les larmes de mon corps.

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J’évitais de trop y penser. Il s’agissait de souvenirs douloureux que j’essayais tant bien que mal d’enterrer. Malgré mes larmes, malgré mes implorations, malgré tout l’amour que je portais envers ma famille, on m’avait arrachée de cette vie confortable. Ou plutôt, de cette vie faite d’illusions qui n’avaient plus aucun sens. Mais maintenant, elle allait en prendre un, n’est-ce pas ?

Et chaque nuit, j’essayais de me consoler de manière désespérée, à hurler pour faire sortir cette haine, toute cette rancune que je nourrissais envers mes parents, envers cette famille qui m’avait abandonnée. Ou peut-être pour estomper cette douleur qui s’était enracinée dans mon cœur.

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« Pour la victoire de nos alliés, la défaite de nos ennemis et la justice pour tous. »

Moi à 17 ans, en train de réciter par cœur le Guide de la Raison. L’ouvrage qu’apprenait de manière dévouée chaque citoyen demacien.
Finalement, j’avais réussi à peu près oublier cette partie de mon enfance qui était désormais inutile à mes yeux. Après tout, j’avais réussi mes études, j’excellais dans l’usage de la magie, et tous les professeurs me félicitaient. Maintenant, peut-être que mes parents allaient être fiers de moi… ?

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Moi, à 21 ans, par terre, recroquevillée sur moi-même.

« … Pourquoi… ? »

A même le sol, je finis par me relever péniblement.

« Pourquoi avoir fait remonter ces souvenirs ? … Ça vous amuse, hein... ?! »

Les invocateurs étaient des êtres terrifiants. J’avais visiblement sous-estimé leur magie. Au milieu de la pénombre, je n’avais pas besoin de relever la tête pour reconnaître mon frère. Garen se tenait en face de moi, imperturbable. Comme s’il attendait une vraie réponse.

« Es-tu enfin prête à admettre la raison pour laquelle tu veux rejoindre la League ? »

Je ne savais pas. Du moins, je ne savais plus. Tout ce que j’avais vécu jusqu’à présent… Tout me semblait tellement monochrome et insipide. Je n’arrivais même plus à respirer correctement, et j’ignorais si cette vive douleur était due à ce sondage d’esprit ou à ces réminiscences.
Incapable de penser de manière lucide, en sanglots, j’alignais quelques mots instinctivement, sans même m’en rendre compte :

« … Parce que je n’ai rien d’autre… »

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De la dévotion envers Demacia ? Recoller les morceaux avec mon frère ? Le désespoir d’une vie incroyablement vide ? Je ne savais plus. Assise dans les archives royales, je repensais encore au sens de ma vie. Une introspection pseudo-philosophique et nihiliste. Pas mal.
J’éprouvais encore une once de ressentiment envers mes parents. Pour eux, je me demandais réellement qu’est-ce qui était le plus important. Leur honneur ? Leur réputation de Crownguard ? J’en avais marre de jouer les faux semblants. Tout ça pour faire bonne impression, pour montrer au roi notre…

« Euh… Ça va ? »

Je jette deux coups d’œil. Le premier, la personne qui me parlait. C’était Ezreal, une personne à qui j’avais très peu parlé parce qu’on n’avait que très peu de points communs (mis à part la couleur de nos cheveux, mais c’était autre chose). Il devait être là à la recherche d’un document poussiéreux, comme d’hab’. Le deuxième, c’était la raison de ce « Ça va » aussi soudain.
J’avais arraché la page d’un vieux grimoire. Merde.

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Je le trouve tellement cool. C’est toujours drôle de s’aventurer avec lui, même dans une crypte soi-disant profanée. C’est une des rares personnes avec qui je peux parler franchement de mes réflexions, et de mes idées légèrement haineuses envers ma famille ou le système. Après quelques temps passés ensemble, on pourrait dire peut-être qu’on s’est rapprochés. Mais bon, je n’irai pas plus loin dans cette description parce qu’on s’en fout complètement (je dis surtout ça pour vous, hein).

Et voilà où j’en suis. Une vie terriblement pas passionnante, quasiment vide de sens. Je pourrais au moins remercier mes parents de m’avoir ouvert les yeux.
… Nan, c’était des cons.