Deux petites silhouettes remontent l'allée, deux enfants dont les rires résonnent au fin fond de la forêt. Oh, oui, leur ressemblance est frappante. Même chevelure, même incroyables yeux dorés. Même courage, mêmes valeurs. Caleb et Quinn, deux petits chevaliers servants au service de leur village. Un vol de poules, de pain ou de blé ? Besoin d'escorter un paysan dans une zone dangereuse ou de surveiller un troupeau de moutons ? Les voilà qui rappliquent, un sourire illuminant leur petit minois encore marqué par l'innocence enfantine. Dans ce bourg qui les a vus grandir, ils sont choyés, aimés de tous. L'on murmure qu'une meilleure naissance leur aurait permis d'entrer au sein de l'armée demacienne, une fois leurs 16 ans révolus. Mais en attendant, l'on se réjouit de leurs bons services actuels et futurs. Ils grandiront et travailleront au village toute leur vie, trouveront femme et mari, fonderont leur famille... parce que telle est la vie dans les banlieues de la Cité-Etat.
Mais les voilà encore qui parlent de leurs rêves de chevalerie, en pénétrant au fin fond des bois. Armé d'un bâton, Caleb lance un duel à mort, que Quinn remporte lorsqu'elle lui pique l'abdomen du bout de sa branche. En riant, tous deux tombent, essoufflés. Quoiqu'en pensent les adultes, un jour ils iront à Demacia et deviendront chevaliers, comme ils l'ont toujours rêvé...


"Dépêche toi, idiot !"

L'idiot en question se presse en grognant, suivant sa sœur comme il le peut. Les années commencent à les différencier, quand l'un gagne en taille et l'autre en beauté. Mais ils demeurent comme deux enfants, aussi volontaires et valeureux, le coeur bercé des illusions passées. Quinn parcourt les environs armée d'une arbalète de fortune, aux tirs aléatoires et au bois abîmé par le temps. Caleb, quant à lui, à opté pour une dague, plus apte à dépouiller les volatiles fauchés par les carreaux de sa jumelle, qu'autre chose. L'inséparable duo parcourt donc les environs à la recherche de missions dont ils pourraient tirer profit. Ou à défaut, usent de leurs connaissances dans le travail manuel pour se fabriquer de nouvelles armes avec ce qu'ils trouvent... comme aujourd'hui.

"Je vais chercher de quoi faire un feu ?"

Trop occupée à sculpter une tête de flèche, Quinn ne répond pas, ses yeux dorés fixés sur le fin métal. Caleb hausse les épaules. La voilà encore prise dans sa bulle... Le jeune homme se lève et quitte l'étreinte protectrice de la clairière. Loin de ses bavardages, le calme retombe sur les lieux, où seul est perceptible le frottement du couteau contre le tranchant de l'arme. Si à ce moment là, juste à ce moment là, Quinn avait levé les yeux, peux-être aurait-elle vu le dernier sourire que lui adressait son frère.


"Dieux des trois royaumes, Déesse des blés, menez cette âme vers la protection de votre domaine..."
"... si jeune..."
"... un vrai désastre, des parents dévastés... soeur jumelle, vous vous rendez compte... ? ... tristesse innommable..."
"... si courageux, un brave garçon, intelligent, qui plus est..."
"... et accompagnez ses proches dans leur douleur."


Le coeur brisé, le regard vide, l'envie même de vivre arrachée aux mains de la jeune femme, restée sur les pieds sur terre alors que son jumeau s'élevait. Ni la compassion des voisins ni l'affection de ses parents ne parviennent à réparer les fissures gravées à jamais par une telle perte. Et doucement, Quinn sombre.


"Nous avions un rêve, Caleb."

Sa voix est clair, ferme. A l'instar du phénix renaissant de ses cendres, la jeune demacienne se relève, un an après la perte de celui qui pour elle, était tout. Vêtue d'une armure de fortune, équipée d'une arbalète de poing fabriquée par elle-même, Quinn fixe le chemin qu'elle ne tardera à prendre. Il est encore temps de prendre à droite, à l'intersection et de retourner au village. Mais à gauche... elle sera à Demacia. Là, elle y trouvera sa place, après tout elle s'y prépare depuis l'enfance.
La jeune femme lève la main pour caresser le bel oiseau bleu perché sur son avant bras. Valor, l'aigle trouvé là où, un an plus tôt, elle perdait son frère. Et à travers, elle n'en doute pas une seule seconde, revit l'être chéri...