J'étais à la limite est de Démacia. Quelques kilomètres à l'est et je serais du côté Noxien de la frontière. Cependant, peu m'importait. Je m'en fichais, car les uns comme les autres, leur tour viendrait. Ma progression vers le nord continuait. Et avec elle, diminuait l'espérance de vie de la plus grande Institution que connaissait le continent. Oui, il était venu le temps de renouveau. D'un monde purifié.

"Draene, prends garde. Voilà de la visite."

Sa voix m'avait de nouveau parlé. Je relevais mon regard vers le lointain, distinguant en effet un humain montant un étalon ébène, venant vers moi très rapidement. Je sentais une certaine tension dans l'air. On venait vers moi. Pas de manière hasardeuse. J'étais la cible.
Restant sur ma propre monture, la faisant se stopper, j'attendais calmement la venue de mon adversaire.
Ma vision se précisant à chaque mètre qui le rapprochait de moi, je pus bientôt discerner sous ses habits de voyage dépasser une tenue mauve.

"DRAENE !"

Je sentis une véritable secousse dans mon esprit, comme si cette présence s'était soudainement relevée, enflammée.

"C'en est un, c'est un invocateur !"

Mon regard se durcissant, je concentrais mon attention sur le présumé puissant magicien. Il n'était plus qu'à une vingtaine de mètres à présent. Le regard dur, les traits creusés par l'expérience, un petit bouc soulignant un certain rang... Oui, ce n'était pas une coïncidence. Sa venue était toute prévue et désormais lui comme moi étions condamnés. Nous le savions tous les deux.

Sa monture ralentit, et il s'arrêta à une dizaine de mètres de ma position. Mon regard posé sur lui, je croisais le sien. Quelques secondes de silence troublées par les voix de ceux qui me suivaient.

"DRAENE, TUE LE !"
"Nous réclamons VENGEANCE !"

Mais la voix qui sortit du lot ne provenait pas d'eux. D'une voix étonnamment puissante, l'homme s'adressa à moi.

"Toi qui prends des vies sans conscience, toi qui ne cesse de menacer le fragile équilibre qui régit ces terres, dis moi donc ton nom et tes intentions !"

Les voix dans ma tête se turent. Quelques secondes de silence passèrent, alors que je restais sans voix, surpris par la puissance émanant de la personne face à moi. Puis, voyant que je ne disais rien, il reprit :

"Alors, que se passe-t-il ?! j'ai posé une question, j'entends au moins avoir une réponse, à moins que vous ne vouliez en venir de suite au châtiment ?!"

Le tumulte dans mon esprit reprenait alors que j'inspirais, prêt à répondre à la provocation.

"Invocateur, ne présumez pas trop rapidement être en mesure de me châtier. Surtout quand on traîne derrière soi une histoire aussi meurtrière que la vôtre, n'est-ce pas ? Combien de vies avez vous participé à détruire ? Vous semblez bien assez vieux pour avoir connu les guerres runiques, donc vous devez voir ce dont je veux parler. Et moi, Draene, je suis venu rendre la justice des morts, celle des gens privés de leur bien le plus cher par votre magie destructrice, je suis venu changer le monde qui est le vôtre, pour qu'enfin les meurtriers soient punis, et non plus adulés tels des dieux, gouvernant ce monde qu'ils ont participé à anéantir. Je suis la voix de ceux qui veulent un futur, la voix du passé venue réclamer son dû !"

J'avais presque crié ces derniers mots, mais il était temps de montrer aux magiciens que le temps de leur justice corrompue était arrivé à terme. Que j'étais le héraut de cette nouvelle ère qui approchait.

"Vous êtes un hérétique et un anarchiste ! La League maintient la paix et le monde ne peut que mieux s'en porter !"

Je serrais mes poings avant d'ôter ma capuche, laissant mes cheveux châtains apparaître. Je sentis le pouvoir inonder mes veines, mes membres, les moindres parcelles de ma peau... Il était hors de question qu'un tel homme s'échappe. C'était un duel à mort qu'il avait entamé.
Je le voyais entamer ses propres incantations. Maintenant, tout était joué.
Une lance pierre vint traverser mon cheval, le faisait hennir de douleur, alors que je tombais au sol, désarçonné. Je sentais sa magie à présent. Il ne savait rien de moi.
Donc il ne pouvait pas l'emporter.
Je me relevais, sans même jeter un œil à ma monture hurlant de douleur, un homme à peine tangible, en armure bleutée, apparaissant au niveau de mon adversaire. Oui, il était venu.

"Mort à l'invocateur !"

Mon adversaire eut à peine de le temps de se jeter au sol que sa monture se retrouvait traversée par une lame fantôme, subissant le même sort que la mienne quelques secondes plus tôt. Approchant de lui, une boule de feu surgit de ses mains jointes, alors qu'il était toujours dos au sol. Il venait de me surprendre par sa réactivité.
Hélas, les flammes se dissipèrent, car telle était ma malédiction. Voyant le doute dans son regard, je me baissais pour le saisir à la gorge, sentant la connexion se former.

Ses yeux trahirent une fois de plus sa surprise alors que ses mouvements ne produisaient plus rien.

"C-Comment ??!"

D'une voix calme, je le regardais s'affaiblir.

"La magie ne peut rien contre moi. Je la draine. Elle ne me fera pas de mal. C'est pour cela que je suis le champion des hommes brisés par le passé. Car votre magie ne peut rien face à moi."

Levant la tête vers mon protecteur luminescent, cette voix dans ma tête usant de ma magie pour se matérialiser, je le vis hocher la tête.

"Le premier te revient, Draene. Venge nous."

J'avais presque tout absorbé. Mon stock de magie s'était régénéré. Il y avait encore de l'excédent.
Alors je redirigeais cette énergie vers ma monture, reprenant vie, revenant à son état normal. Pour elle, ces dernières minutes n'avaient pas existées.
Et alors, sous le regard brisé de mon opposant, je prononçais ces quelques mots.

"J'espère que tes petits amis t'entendent d'ici. Car ils doivent savoir que je viens pour vous briser l'un après l'autre. Ils ne pourront pas me stopper. Et alors qu'ils voudront sauver leur peau, la vérité éclatera. Les lâches et les menteurs qu'ils sont apparaitront au grand jour.
Et alors, aux yeux de tous, ils tomberont."

Je relâchais ma prise, les yeux de l'invocateur étant révulsés. Il était mort. Après si peu d'efforts de ma part.
Il avait chuté.
Et les autres ne pourraient que suivre.